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Kaosenlared interviewe la Coordination antifasciste de Madrid après que le syndicat policier "Manos Limpias" a demandé son illégalisation

samedi 19 avril 2008, par Solidarité Résistance Antifa

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Kaosenlared considère qu’il est de sa mission de donner la parole à celles et ceux qui sont censurés et attaqués par ce système, aux collectifs qui subissent une stratégie de criminalisation dans le but de neutraliser leur voix dissidente. Nous avons ainsi considéré qu’il était prioritaire d’interviewer la Coordination antifasciste de Madrid en tant que collectif dédié à la lutte contre le fascisme existant dans l’Etat espagnol, étant donné la proposition d’illégalisation qui prétend aujourd’hui menacer sa bonne image publique. S’ils tentent d’isoler et de présenter ce collectif de personnes qui luttent pour un monde meilleur comme étant des criminels, nous répondons avec notre soutien le plus solide, en recueillant leur parole.

- Kaos.Madrid : Brièvement, en quoi consiste la Coordination antifasciste de Madrid et quelle activité mène-t-elle ? Comment affronte-on le fascisme aujourd’hui à Madrid ?

CAFM : La Coordination antifasciste est une plate-forme unitaire de confluence tactique, dans laquelle sont regroupés des organisations et des collectifs antifascistes et anticapitalistes. Nous unifions nos efforts pour combattre de manière efficace le fascisme institutionnel hérité du régime franquiste, l’oligarchie financière qui le soutient et l’activité réactionnaire néonazie. Nos outils de travail consistent à contrecarrer la dépolitisation généralisée avec notre action politique quotidienne ainsi qu’en ouvrant des espaces de formation politique et de débats, comme les Journées antifascistes que nous avons faites en octobre de l’année dernière. Nous menons le travail en réseau, en conjuguant les efforts du plus grand nombre de personnes et de collectifs dans des assemblées unitaires antifascistes ou antiracistes, conscientes de ce que la capacité d’incidence politique est plus élevée quand nous frappons ensemble. En plus de développer la coordination locale de collectifs antifascistes et révolutionnaires, nous sommes en contact avec un réseau étatique de collectifs et de plates-formes antifascistes. Nous pensons aussi que l’autogestion, l’assembléisme et l’action directe sont des instruments-clés, agissant horizontalement contre le fascisme, sans demander d’argent ni dépendre d’aucune institution complice de son existence, et considérant l’autodéfense comme un droit pour préserver notre sécurité et celle de tierces personnes. De plus, nous pensons qu’il est important de développer ce travail depuis les quartiers, pour avancer dans la construction d’un mouvement antifasciste populaire vers un changement social.

- Kaos.Madrid : Qui est "Manos Limpias" et pourquoi demandent-ils l’illégalisation de la Coordination antifasciste.

CAFM : Le "Syndicat collectif des fonctionnaires publics Mains propres" ["Manos Limpias"] fait partie des résidus du franquisme alimentés par les institutions, qui, comme dans ce cas, utilisent les lois actuelles dans l’intention d’apparaître dans le scénario politique et d’exiger de la justice capitaliste qu’elle ait la main lourde pour maintenir l’ordre public. Il y a peu, ils ont demandé l’illégalisation de Izquierda Castellana ["Gauche castillane"] et maintenant ils le font avec la Coordination antifasciste. Le secrétaire général de Manos Limpias a été vice-président de Fuerza Nueva et du Frente Nacional de Blas Piñar, et donc on n’est pas très surpris que ce syndicat (qui n’a absolument aucune représentation dans aucun centre de travail) envisage l’ordre public d’une façon très similaire à celui qui régnait durant le fascisme de Franco, à coup de répression. Avec cette demande d’illégalisation, son objectif est d’étendre la peur de la répression dans tout le milieu militant, en même temps que de préparer l’opinion publique pour qu’une possible offensive répressive future soit assumée comme étant quelque chose de "normal".

- Kaos.Madrid : Comment préparent-ils le terrain pour criminaliser une organisation pour le fait d’être antifasciste ?

CAFM : Comme nous l’avons dit précédemment, en politique, rien n’arrive par hasard. La même procédure a été appliquée à d’autres mouvements anticapitalistes de l’Etat, et nous voyons que cela se ressent au sein de la jeunesse anticapitaliste madrilène.

La première étape est toujours de gagner l’opinion publique, et pour cela, les médias bourgeois nous ont taxés de bande urbaine, de violents, d’ultras, de nostalgiques de la guerre civile et de toutes les diffamations possibles qui faisaient de nous les égaux de l’extrême-droite. Une option politique objectivement plus juste dans laquelle les privilèges économiques cessent d’exister ne les intéresse pas.

Une fois qu’ils ont amendé la terre avec des diffamations publiques, ils vont sonder le terrain. Avec des attaques comme celle de Manos Limpias, ils affaiblissent les forces sur lesquelles le mouvement antifasciste compte et donc les capacités de réponse face à l’attaque visant à l’illégalisation.

Les attaques seront de plus en plus fortes, comme cela s’est produit pour des groupes anticapitalistes d’autres parties de l’Etat, dans le but de les faire disparaître politiquement, en montrant ainsi le véritable visage du régime juancarliste [du roi Juan Carlos], le visage de la répression, de la réaction et de la continuité franquiste.

- Kaos.Madrid : Le fait qu’ils veuillent vous rayer de la carte répond-il à la peur que leur a procuré le récent accroissement du soutien social et de la capacité d’organisation du mouvement antifasciste de Madrid ?

CAFM : Effectivement, à partir de là, et particulièrement à partir de la mort du camarade Carlos Palomino, le mouvement antifasciste madrilène a effectué un saut en organisation, en unité, qualitativement et quantitativement. Mais nous devons envisager ce fait d’un point de vue qui prend cette tentative d’illégalisation comme quelque chose d’externe et éloigné de la réalité des antifascistes madrilènes.

Effectivement, peut-être l’ont-ils entrepris d’abord contre la Coordination antifasciste parce qu’elle incarne l’image et la partie visible du mouvement antifasciste de la capitale du royaume. Après beaucoup d’année à insister sur le même discours et en travaillant dans la rue, il semble que les jeunes anticapitalistes madrilènes commencent à déranger certains. Ainsi, son premier coup est porté contre la partie la plus visible.

Mais à Madrid il y a beaucoup de personnes solidaires qui mènent une lutte conséquente et quotidienne au sein de l’antifascisme, de l’anticapitalisme et des mouvements sociaux. C’est précisément pour cela que nous ne pouvons pas baisser la tête face à ses premières tentatives d’illégalisation, parce que si personne ne proteste maintenant, ils continueront en illégalisant les collectifs à mesure qu’ils constitueront un problème pour leur discours ou leurs structures.

Au sein de la Coordination, on trouve toutes les tendances révolutionnaires antifascistes et anticapitalistes. S’ils envisagent de faire disparaître l’option politique de milliers de personnes, l’unique option possible est de nous engager à continuer à défendre les idées de dignité, d’égalité et de justice sociale qui nous ont toujours mu. Il est possible d’illégaliser les idées justes, mais ils ne pourront jamais les éliminer.

Maintenant, c’est nous, mais demain, n’importe qui pourrait élever la voix. C’est pour cela que nous voulons faire entendre notre cri dans tous les endroits : LA COORDINATION C’EST NOUS TOUTES ET NOUS TOUS.

- Kaos.Madrid : En quoi cette menace d’illégalisation affecte la Coordination ?

CAFM : Comme vous l’indiquez à jusque titre, ce n’est pour l’instant qu’une menace, un avis, qui se réfère à la possibilité d’être déclaré association illicite, mais cela implique un saut qualitatif dans la répression (saut à Madrid, parce que dans d’autres endroits, il y a déjà beaucoup, trop, d’illégalisations).

Ainsi, c’est aussi une menace plus large qui pèse sur nous : comment le système peut agir pour freiner le mouvement. Cela étant quelque chose qui n’affecte pas exclusivement la Coordination antifasciste de Madrid (de fait, la menace d’illégalisation pèse déjà sur beaucoup d’organisations, comme Izquierda Castellana).

Face à cela, une conséquence est que la Coordination doit s’arrêter, saisir la dimension du message et l’insérer de plus dans le contexte actuel, un contexte de crise économique, d’une certaine crise de légitimité du système ou de ses institutions, comme la monarchie.

Si la répression fait toujours partie du militantisme dans les processus révolutionnaires, dans des situations de montée de la construction du pouvoir populaire et/ou de faiblesse du système, elle en fait partie avec encore plus de raisons.

Nous devons nous arrêter pour comprendre, ce qui signifie cesser de travailler ou nous faire peur. Cette situation ne va pas nous "prendre" du temps dans l’absolu, puisque le temps que nous allons employer pour analyser cette nouvelle tentative de criminalisation va seulement nous servir à avancer dans notre lutte.

Ainsi, par exemple, nous le consacrerons à profit pour :

- construire et renforcer un discours autour de la répression,

- nous préparer en tant que personnes et en tant que Coordination à la contrer, en mettant à profit des situations de menace pour nous entraîner face aux possibles matérialisations,

- nous l’emploierons aussi pour développer et renforcer les liens avec d’autres collectifs, organisations, mouvements, en créant de nouveaux liens dans le réseau, ainsi qu’en resserrant ceux déjà existants.

Nous pouvons tirer des leçons positives de cette expérience. Cela ne signifie pas que cela ne nous affecte pas, que nous ne le considérons pas pour ce que c’est, une menace, mais précisément parce que nous l’envisageons comme étant une partie d’un processus répressif qui augmente, nous disons que la manière dont cela doit nous affecter ne peut être autre que celle de nous préparer et à en sortir renforcé(e)s, en plus du reste des projets que nous avons par ailleurs.

- Kaos.Madrid : Quelle va être la réponse de la Coordination antifasciste face à cette menace ?

CAFM : Nous avons déjà signalé dans la réponse précédente en quoi devait consister une partie de la réponse, avec une ligne de travail se référant à la relation avec d’autres collectifs ainsi qu’avec un travail plus profond.

Nous devons aussi faire un travail vers l’extérieur, en améliorant particulièrement la relation avec les gens, avec les quartiers. Nous avons déjà commencé à travailler sur l’antifascisme avec des associations d’habitants, en montrant notre refus du racisme et du fascisme, des actes xénophobes commis par certain(e)s habitant(e)s. Cela a eu lieu à Usera, à Vallekas, à Carabanchel, à Lavapiés. Nous devons continuer à répondre : en construisant l’organisation populaire.

Une autre partie du travail vers l’extérieur correspond au communiqué que nous avons écrit et que nous sommes en train de diffuser avec l’aide d’autres collectifs de contre-information comme le vôtre. Conjointement à ce communiqué, il y a l’appel pour le rassemblement du samedi 5 avril 2008 à 18 heures sur la place de Tirso de Molina. Ce rassemblement peut être une occasion de renforcer la relation entre les collectifs, ce que nous disions auparavant, et renforcer la solidarité mutuelle.

Le thème de l’appel ne concerne pas uniquement la Coordination antifasciste, nous sommes conscients que la répression, les illégalisations, la criminalisation médiatique, menacent et retombent aussi sur d’autres. La répression est le mur auquel tous les projets que nous menons pour la construction de contre-pouvoir et de pouvoir populaire doivent faire face. Ainsi, le thème est : "Non à la criminalisation des mouvements sociaux. En construisant l’organisation populaire".

Et comme nous croyons qu’une des armes les plus efficaces que nous ayons est la solidarité, nous profitons de cette opportunité qui nous est offerte pour encourager à signer le communiqué et assister au rassemblement qui est celui de toutes celles et de tous ceux qui sont en faveur de la construction de l’organisation populaire.

- Kaos.Madrid : Pourquoi un système supposément démocratique a besoin d’illégaliser ceux qui le remettent en question ?

CAFM : Parce qu’il est démocratique pour une classe. Nous ne pouvons oublier que les classes existent, et c’est la bourgeoisie qui aujourd’hui s’impose en défense de ses intérêts. La classe dominante est celle qui exploite et exerce le contrôle à travers l’Etat pour protéger ses intérêts. Notre classe, la classe travailleuse remet en question ce système parce qu’il n’est pas juste, parce qu’il crée des inégalités. Pour le moment, seule une partie de la classe est organisée pour répondre, pour construire des alternatives, et c’est en cela que réside l’illégalisation : faire taire celles et ceux qui vont plus loin que ce très pauvre Etat providence impérialiste pour que la majorité cesse de continuer à être social-endormie.

- Kaos.Madrid : Sommes-nous face à un possible accroissement de la vague répressive contre les dissidents, qui dépasse les frontières d’Euskadi et commence à illégaliser les idées également dans la capitale du royaume ?

CAFM : Oui. La bourgeoisie attaque ce qu’elle considère dangereux. En Euskal Herria, ils ont illégalisé la gauche abertzale en les accusant de "terrorisme nationaliste". Pourtant, ce n’est rien d’autre qu’une excuse à moindre coût pour illégaliser ceux qui luttent.

Chaque jour qui passe les travailleuses et les travailleurs rencontrent plus de difficultés pour économiser, ou comme on dit "pour boucler les fins de mois", du fait que les prix augmentent et que les salaires sont pratiquement gelés. Le problème de la jeunesse pour trouver un logement accessible avec les salaires et l’emploi précaire qu’elle est obligée d’accepter est un autre exemple de ce que le système capitaliste, loin d’apporter des solutions et des améliorations pour l’ensemble de la société, est en train d’apporter des difficultés et des pénuries chaque jours plus aiguës. Les monopoles bancaires, les promoteurs et constructeurs immobiliers ne s’étaient jamais autant enrichis en si peu de temps. "Ils ont fait leur beurre" en condamnant à vie la classe laborieuse à une hypothèque à laquelle elle ne pourra faire face, sinon par l’allongement de la durée de la journée de travail par des heures supplémentaires ou l’accumulation d’emplois. Le sol comme mesure pour la construction de logements, non pour la spéculation mais pour vivre dignement, ne peut tomber dans des mains privées, c’est la grande contradiction qui en temps de crise aggrave tout au maximum.

La nécessité et la conséquence fondamentale de cette situation de crise économique inhérente au système est une répression de plus en plus aiguë de la part de l’Etat, des institutions et de la société elle-même et de ses principes idéologiques hérités du fascisme franquiste.

Aujourd’hui, la xénophobie entre les travailleurs s’enracine toujours plus profondément. L’Etat capitaliste a généré un bouillon de culture pour créer un ultra-chauvinisme qui fait que les travailleurs s’affrontent pour des raisons de race, de nation, de sexe, etc., en évitant que ceux-ci acquièrent une conscience de classe en elle-même et pour elle-même, et s’unissent pour la transformation de la société et l’avancée vers une autre société plus juste pour les travailleuses et les travailleurs surexploité(e)s, quel que soit leur lieu d’origine.

Cela entraîne l’augmentation de la répression contre les syndicalistes les plus combatifs, comme Cándido y Morala, ou contre les conflits qui continuent de bâtir le soutien social comme la grève des nettoyeuses et nettoyeurs du métro de Madrid. Ainsi, ils tentent de contenir la classe laborieuse dans sa situation précaire et pauvre. Contenir sa combativité face à la perte du pouvoir d’acquisition, à l’incapacité d’affronter les hypothèques considérablement prolongées, la perte des droits sociaux (réforme du travail), etc. Cette expression de la répression de l’Etat et des institutions est une conséquence de la crise et de l’insoutenabilité du système économique, politique et social actuel (le capitalisme). C’est une des questions historiques grâce à laquelle le fascisme est parvenu à s’établir comme forme de gouvernement au sein du capitalisme pour pouvoir contrôler et faire disparaître chaque mouvement ouvrier et révolutionnaire qui faisait trembler ses fondements, pour pouvoir imposer de nouvelles politiques néo-libérales qui attentent aux droits des travailleuses et des travailleurs, etc., et ainsi pouvoir augmenter les bénéfices des grandes entreprises.

Les mouvements sociaux combatifs et collectifs antifascistes sommes nous aussi dans la ligne de mire, précisément parce que nous dénonçons le fait que dans une situation de crise l’unique bénéficiaire est la haute société. Pour le sommet du système, il n’y a pas de crise, elles et eux sortent toujours gagnants, ceux qui doivent se serrer la ceinture sont toujours le commun des mortels, la classe exploitée.

La demande d’illégalisation de la Coordination antifasciste de Madrid cherche à faire de nous des têtes de Turc, c’est-à-dire, asseoir le précédent de ce que dans la capitale de l’empire espagnol ceux qui luttent dans la rue pour une société plus juste devront faire face, tôt ou tard, au fouet de la répression et de l’illégalisation. L’excuse qu’ils utilisent dans ce cas a à voir avec une supposée incitation à la violence. C’est la même baliverne en Euskal Herria, mais avec des personnes distinctes et avec des niveaux de développement des luttes distincts. Mais c’est aussi un message répressif qui prétend arriver dans d’autres parties de l’Etat espagnol. C’est une criminalisation des mouvements sociaux, ici et n’importe où ailleurs. La classe bourgeoise utilisera toujours les méthodes dont elle dispose pour protéger ses privilèges.

- Kaos.Madrid : Quelque chose à ajouter ?

CAFM : Sans plus, nous disons au revoir en remerciant Kaosenlared.net de nous avoir permis de nous exprimer publiquement et le lecteur et la lectrice qui s’identifient à notre cause. Vive celles et ceux qui luttent.

Nous continuerons à faire éclater les contradictions du capitalisme.

Sans nous arrêter jusqu’à la victoire.

Sans nous arrêter jusqu’au changement social.

Miguel Álvarez (pour Kaos en la Red) 31/03/2008

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